Le saint suaire, un appel à voir au-delà du visible

 

Voici quelques semaines déjà, grâce à une technologie récente, une équipe de chercheurs italiens a avancé une nouvelle datation pour le suaire de Turin. Cette fameuse relique aurait environ deux mille ans et serait donc contemporaine de la mort de Jésus, alors que les précédentes analyses au carbone 14 situaient le linceul autour de l’an 1300. De quoi susciter de l’émoi chez certains fidèles.

 

Le suaire est vénéré depuis au moins le XIV^e siècle, mais ce n’est qu’à la fin du XIX^e siècle, en 1898, qu’ont été découvertes, sur les négatifs de photographies, les deux empreintes des faces ventrale et dorsale d’un homme supplicié, avec des taches de sang qui correspondent aux blessures infligées à Jésus, telles qu’elles sont décrites dans les Évangiles. La photographie a ainsi permis de révéler ce qui était jusqu’ici invisible à l’œil nu. Et ce qui est donné à voir est effectivement fascinant. Certains en ont même été confortés dans leur foi. Tant mieux. Mais il est heureux que le saint suaire reste empli de mystère. Ce qu’il rend visible reste une invitation à croire à ce qui ne se voit pas, à ce qui n’est pas montré et ne peut l’être… Il n’y a pas d’autre preuve de la résurrection du Christ Jésus que le récit des disciples à qui il s’est manifesté et qui en ont témoigné jusqu’au don de leur vie.

 

« Heureux ceux qui croient sans avoir vu… », dit Jésus à Thomas (cf. Jean 20, 24-29). Non que la foi chrétienne récuse les représentations et les images. Bien au contraire puisque, avec l’incarnation du Fils, le Dieu invisible s’est rendu visible, il est désormais possible de représenter l’invisible. Mais le visible renvoie toujours à la part d’invisible. Quand il ne le fait pas, il devient idolâtre. Qu’importe alors que le saint suaire ait 800 ou 2 000 ans. L’important est qu’il dirige notre regard et notre cœur vers le Christ ressuscité comme peut le faire une icône.

Dominique Greinier, rédacteur en chef La Croix